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Ituri : Des camps de déplacés devenus des fosses communes à ciel ouvert, malgré l’état de siège

L’horreur s’est encore abattue sur les sites de déplacés de la chefferie des Bahema Badjere, dans le territoire de Djugu, en province de l’Ituri, au nord-est de la RDC. Les attaques meurtrières perpétrées par les miliciens de la CODECO continuent de se succéder, laissant derrière elles un bilan macabre et une population toujours plus vulnérable. Malgré la répétition des massacres, aucune solution sécuritaire efficace ne semble être mise en place pour enrayer ces violences, bien que la province de l’Ituri soit sous état de siège.

Une série d’attaques sanglantes des sites de déplacés

La liste des atrocités s’allonge d’année en année. La nuit du 1er au 2 février 2022 reste gravée dans les mémoires comme l’un des épisodes les plus meurtriers. Le site de déplacés de Plaine Savo a été pris pour cible par des assaillants armés de la CODECO, causant la mort de 56 personnes, dont 16 enfants. 42 blessés ont été recensés, certains dans un état critique nécessitant une évacuation vers Bunia.

Moins d’un an plus tard, dans la nuit du 18 au 19 janvier 2023, une nouvelle incursion a frappé ce même site, tuant 7 civils, dont 5 enfants. Outre les pertes humaines, les déplacés ont vu leurs maigres biens pillés par les assaillants, les plongeant encore davantage dans le dénuement.

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En juin 2023, la violence s’est étendue au site de déplacés de Lala, toujours dans la chefferie des Bahema Badjere. Cette fois, 40 personnes ont été massacrées. Des enfants ont été tués de manière particulièrement atroce, certains brûlés vifs dans leurs abris.

En septembre 2024, un nouvel assaut meurtrier a fait 10 victimes dans le territoire de Djugu. Les témoignages des rescapés décrivent une barbarie inouïe : certaines victimes ont été décapitées, d’autres éventrées, plongeant la population locale dans la terreur.

La plus récente tragédie a eu lieu le 11 février 2025, avec une attaque d’une ampleur effroyable contre un groupe de villages et un camp de déplacés. Au moins 51 civils ont péri sous les balles et les machettes des combattants de la CODECO. Le bilan pourrait encore s’alourdir à mesure que les corps sont extraits des maisons incendiées. Une fois de plus, les forces de maintien de la paix de l’ONU et les troupes congolaises ont été dépassées par l’attaque, incapables d’empêcher le carnage.

Une insécurité persistante malgré les alertes

Ces massacres, qui se répètent année après année sous le régime exceptionnel de l’état de siège, posent une question cruciale : pourquoi les déplacés restent-ils aussi vulnérables ? Alors que les attaques se multiplient, les dispositifs sécuritaires mis en place apparaissent insuffisants, voire inexistants. Pourtant, les autorités et la communauté internationale sont parfaitement informées de la menace qui pèse sur ces camps.

Des voix s’élèvent pour dénoncer l’inaction du gouvernement congolais et le manque d’initiatives concrètes des forces de maintien de la paix.

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«Nous signalons ces incursions à chaque fois, mais aucune mesure préventive n’est prise. On nous abandonne à notre sort», déplore un leader communautaire de Djugu.

Malgré la présence de l’armée congolaise et de la MONUSCO, les miliciens de la CODECO continuent de frapper avec une brutalité inouïe. Leurs attaques semblent suivre un schéma bien rodé : assauts nocturnes, massacres ciblés, pillages et incendies de villages.

Quelle réponse face à l’horreur ?

Face à cette crise humanitaire qui perdure, les déplacés de Bahema Badjere restent dans l’attente d’une protection réelle. L’état congolais doit revoir sa stratégie sécuritaire pour garantir la protection des populations vulnérables. Un renforcement des effectifs militaires, un meilleur renseignement sur les mouvements des groupes armés et une coopération accrue avec les forces internationales sont autant de pistes à explorer.

Dans le même temps, les organisations humanitaires sont appelées à une assistance renforcée pour ces populations meurtries, tant en matière de soins médicaux que de soutien psychologique et matériel.

Tant que l’inaction prévaudra, les déplacés de Djugu continueront d’être les victimes désignées de la barbarie des milices. Le temps presse pour éviter que ces sites ne deviennent à jamais des tombes à ciel ouvert.

Papy Kilongo, depuis Bunia

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