Ituri-DGRPI : mauvais traitement des agents, l’une des causes du détournement des recettes mobilisées
Les récents scores médiatisés de la mobilisation des recettes au sein de la Direction Générale des Recettes de la Province de l’Ituri (DGRPI) sont apparemment magnifiants, n’est-ce pas ? L’on note par exemple un montant plafond de 3 milliards de francs congolais (FC) mobilisés par mois à l’époque du Directeur Général sortant, Maurice Dz’bo, l’année 2022. Rassurez-vous, ce montant ne représente pas un tiers du montant que devrait mobiliser en un mois cette régie financière de la province de l’Ituri si les agents étaient bien traités.
La Province, par le biais de l’assemblée provinciale fixe les assignations suivant les engins. Les rapports annuels de la DGRPI que nous avons consultés font état de la situation suivante : en 2016 et 2017 par exemple, sur une assignation de 7.200.000.000 FC, cette régie financière a réalisé respectivement 3.685.021.881 FC soit (51,18 %) et 5.558.989.528 FC soit (77,208%). En 2018 et 2019, l’assignation était de 16.560.000.000 FC, les réalisations étaient respectivement de 4.272.955.952 soit (25,803%) et de 9.148.060.563 (soit 55,2419 %). En 2020, sur une assignation de 14.400.000.000, la DGRPI a réalisé 14.485.528.420 (soit 100,593947 %). En 2021, l’assignation étant de 15.800.000.000, elle a fait un score de 17.808.868.349 (soit 112,714 %). En 2022, pour une assignation de 28 943 792 776 FC, nous comptons les réalisations de 23.931.641.543,19 (soit 82,68%), mais un score plus élevé que les autres années.
Il se dégage que les réalisations de 2020, 2021 et 2022 ont connu une nette progression par rapport aux exercices 2016, 2017, 2018 et 2019. Ceci se justifie par la motivation du personnel due à la majoration de leurs primes, mais aussi la menace des sanctions à la violation des consignes instaurées par le gouvernement militaire sous état de siège.
Cependant, ceci étant encore insignifiant, les rendements de la direction générale des recettes de la province de l’Ituri sont très loin d’être totalement mobilisés et canalisés à la régie financière de l’Ituri. Selon les résultats de notre enquête menée auprès des agents mobilisateurs de cette intendance financière de l’Ituri à travers la province : sur la totalité des fonds que la DGRPI peut mobiliser le mois, seul 1/3 arrive dans la caisse de la province. Les agents s’occupent de la somme restante, en complicité avec certains assujettis. Pourquoi ? En voici certaines raisons :
Les agents de terrain de la DGRPI sont loin d’être bien payés
Il est vrai que les agents de la DGRPI ont bénéficié d’une petite majoration de leurs primes modiques pendant l’état de siège. Cependant, ils ne bénéficient pas jusque-là d’un meilleur traitement corrélativement à ce qu’ils mobilisent quotidiennement. Payés en fonction de leurs grades, les attachés de bureau de la première classe touchent actuellement par mois deux cent septante quatre mille francs congolais (274.000 FC). Ceux de la deuxième classe ont un montant de cent quatre-vingt-quatre mille francs congolais (184.000 FC). Les agents de bureau de la première et deuxième classe ont respectivement cent quarante-quatre mille francs congolais (144.000 FC) et cent quatorze mille francs congolais (114.000 FC). Les chefs des bureaux et des divisions ont respectivement trois cent mille francs congolais (300.000 FC) et trois cent quatre-vingt mille francs congolais (380.000 FC).
Il est donc à constater que les mobilisateurs de plusieurs milliards de francs congolais de la province ont un salaire qui est loin d’avoisiner cinq cent mille francs congolais (500.000 FC), sans parler des nouvelles unités (NU) non payées. Commis aux ressorts, est-il possible que ces agents travaillent avec sincérité et loyauté vis-à-vis du service ? Pratiquement impossible. Les résultats de notre enquête révèlent que parmi les 6 ressorts de la DGRPI à savoir : Djugu, Mahagi, Mambasa, Irumu, Aru et Bunia, celui qui mobilise moins d’argent est celui de la ville de Bunia. Avec une assignation de près de trois millions de francs congolais (3.000.000 FC) par mois, les agents, après avoir atteint ce montant coopèrent en privé avec certains assujettis afin de trouver un moyen de détourner l’argent destiné à la DGRPI pour leur avantage. Et ce, dans tous les ressorts. Le total du montant détourné, confie un agent de la DGRPI, sous l’anonymat, frôle celui mobilisé légalement par mois, et déposé à la DGRPI.
La rétention illégale de cinq pourcents dû aux primes de mobilisation
Après chaque mobilisation mensuelle, 5% du montant global canalisés à la DGRPI doit revenir aux ressorts comme frais techniques (ou de fonctionnement), pour assurer la mobilité des agents du terrain, la communication, etc. Si les chefs de ressorts les perçoivent, alors d’autres agents n’en savent même pas la couleur. Il en est de même des 5% que la province doit à la DGRPI. Ce montant qui pourtant devrait remblayer le vide salarial des agents est camouflé par le Directeur d’une part et les chefs de ressorts d’autre part. Du coup, le social des agents est mis en cause, la conscience professionnelle en mal d’application.
Aucun agent de la DGRPI n’est officiellement reconnu par la province. Ils ne sont détenteurs d’aucun numéro matricule de la province ; l’une des raisons pour lesquelles les engagements et/ou suspensions des agents au sein de cette régie financière dépendent de l’avènement d’un directeur à un autre. Cela va de même de la mise en place des agents. Une nouvelle recrue peut facilement occuper un poste stratégique selon la relation qu’elle entretien avec le directeur général ou par recommandation des cadres du gouvernorat, qui très souvent, donnent des injonctions à l’insu du Gouverneur de province.
Quel rôle joue la justice congolaise dans ce détournement ?
Devant cette appropriation frauduleuse des recettes de la DGRPI par certains de ses agents, les institutions qui sont censées lutter contre la corruption sous toutes ses formes et le détournement, disent n’avoir pas écho de ces faits. Ces instances, notamment les parquets, n’ont pas encore été saisis du dossier, peut-on comprendre de notre échange avec le Procureur de la République de l’Ituri, le magistrat Koko Di Lema. « Les indices tangibles du détournement doivent être établis pour une quelconque poursuite ». Faut-il dire que ce détournement de fond au sein de la DGRPI restera camouflé aussi longtemps qu’une plainte n’est pas déposée ? Pourquoi les parquets ne se saisissent pas d’office de ces cas afin d’investiguer ?
Fondées ou non les raisons qui poussent les agents de la DGRPI à détourner les fonds dus au trésor public, sa répression reste de mise. Les détournements commis par des personnes détentrices de mandat public est un comportement incriminé en droit pénal congolais et sévèrement puni. Si à la lumière de l’Article 145 du décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal Congolais c’est le gouvernement congolais qui en est victime, pourquoi celui-ci à travers ses mandataires, n’arrive-t-il pas à saisir la justice ?
Pendant ce temps que fait l’Inspection Provinciale des Finances (IPF), l’Observatoire de Surveillance de la Corruption et de l’Ethique Professionnelle (OSCEP), l’Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption (APLC), etc. qui comptent la lutte contre la corruption parmi leurs principales attributions ? Une très bonne initiative afin de décourager cette pratique qui a élu domicile au sein de la DGRPI.
Plusieurs autres causes sont agents vecteurs du détournement des recettes mobilisées par la DGRPI. Néanmoins, la résolution de celle relevée ici pourrait contribuer à la maximisation desdites recettes et au développement de la Province, par ricochet.
Papy Kilongo