×

Ituri : «Vous serez arrêtés» : Jules Ngongo menace-t-il la presse et les voix discordantes ?

Une déclaration du lieutenant Jules Ngongo, porte-parole des FARDC et de l’état de siège en Ituri, crée la controverse au sein des médias locaux. Dans une émission diffusée sur les ondes de la Radio Télévision FARDC, l’officier militaire a mis en garde les journalistes contre toute diffusion de propos remettant en cause les décisions officielles.

Selon Jules Ngongo, donner la parole à des personnes qui contestent les mesures de l’armée ou de l’État constitue une faute grave.

« Nous devons aussi appuyer l’État. Quelqu’un qui vient contredire des décisions judiciaires ou politiques, conformément à la loi, ne doit pas être entendu (…) Si vous donnez la parole à de tels messieurs, vous serez arrêté. La justice va vous arrêter », a-t-il déclaré, menaçant directement les médias d’arrestation ou de fermeture.

Cette mise en garde vise notamment les réactions suscitées par l’opération de contrôle des casques et gilets imposée aux conducteurs de taxis-motos en Ituri.

Ces propos ont provoqué une vague d’inquiétude au sein des journalistes de Bunia et du territoire d’Ituri, qui y voient une tentative de museler la presse. Plusieurs acteurs dénoncent une dérive autoritaire, contraire aux principes fondamentaux de la liberté d’informer.

Un journaliste de Bunia, qui a requis l’anonymat par crainte de représailles, estime que ces menaces « vont à l’encontre du rôle social des médias, qui consiste à donner la parole à toutes les parties, y compris aux citoyens affectés par les mesures officielles ».

La Constitution congolaise (article 24) garantit pourtant la liberté d’expression et d’information. De plus, le Code d’éthique et de déontologie des journalistes congolais consacre le pluralisme des opinions et l’équilibre de l’information comme des principes essentiels.
En menaçant de sanctionner les médias pour avoir donné la parole à des voix critiques, le porte-parole des FARDC apparaît en contradiction avec ces textes.

Cette polémique relance le débat sur l’équilibre à trouver entre les impératifs sécuritaires liés à l’état de siège et le respect des libertés fondamentales. Dans une province marquée par les violences armées, les autorités justifient certaines restrictions par la nécessité d’éviter la désinformation et de protéger les opérations militaires. Mais pour les défenseurs de la presse libre, ces restrictions ne doivent pas dériver vers une censure systématique.

Jusqu’ici, ni le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC), ni les organisations locales de défense des journalistes n’ont officiellement réagi à ces déclarations. Mais plusieurs voix s’élèvent déjà pour appeler à une clarification des propos du lieutenant Jules Ngongo et à un rappel au respect de la liberté de la presse.

Rachidi Kudra, depuis Bunia

Share this content:

Laisser un commentaire