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Ituri – sécurité : Quelle place pour un journalisme au-delà du sang ?

La province de l’Ituri, en proie aux violences armées depuis 2017, voit ses médias et sa presse écrite et en ligne concentrer leurs publications sur les bilans macabres : nombre de morts, maisons incendiées, victimes de viols, et autres conséquences tragiques des affrontements. Si informer sur ces réalités est essentiel, la quasi-exclusivité de cette couverture soulève des interrogations du genre : quelle est la responsabilité des médias dans cette situation ? Quelles alternatives s’offrent aux journalistes pour diversifier l’information sans minimiser la gravité des faits ?

Une information dominée par la violence

Le rôle des médias est d’informer. Mais en province de l’Ituri, l’information semble réduite à un enchaînement de drames :

«… Dans le territoire de Djugu, l’attaque des miliciens de la CODECO à Bule a fait 20 morts sans compter les blessés et les disparus…»

«… Dans le territoire d’Irumu, une femme a été victime du viol au quartier Bankoko en ville de Bunia. Les violeurs ont d’abord tabassé et ligoté son mari avant de commettre leur forfait…»

« … Dans le territoire de Mambasa, la société civile locale dit avoir dénombré 56 maisons incendiées à caté des plusieurs blessés…»

«… le camp des déplacés… a été le théâtre d’une incursion d’hommes armés identifiés aux éléments du groupe armé…»

«… Les déplacés du site Kigonze en ville de Bunia meurent de faim. Ça fait 6 mois qu »Ils n’ont pas d’assurance en vivre et non vivre…»

Cette focalisation sur les violences peut avoir plusieurs conséquences négatives notamment :

  • La normalisation de l’horreur : À force de voir des bilans tragiques quotidiennement, le public peut devenir insensible aux atrocités. Ce qui représente un autre danger à éviter.
  • Climat de peur et de désespoir : Une information uniquement négative renforce l’angoisse et décourage les efforts de paix. La paix restera une utopie dans l’esprit de la population, en raison de la multiplicité des informations dramatiques.
  • Perte de diversité médiatique : Les autres sujets qui concernent l’économie, la culture, les initiatives locales disparaissent dans nos médias et presse, donnant une image tronquée de la province.

Quelle alternative pour les médias de l’Ituri ?

Loin de nier la souffrance des populations, les médias peuvent adopter une approche plus équilibrée et constructive, eu égard à sa mission qui est de fournir la solution que d’attiser le feu :

1. Pratiquer le journalisme de solutions

Plutôt que de se limiter aux constats macabres, pourquoi ne pas explorer comment les populations résistent, s’organisent et tentent de reconstruire ? Mettre en avant les initiatives locales pour la paix, les actions humanitaires et les histoires de résilience pourrait inspirer et mobiliser.

2. Diversifier les thématiques couvertes

Par exemple :

  • En économie : Quels impacts du conflit sur l’agriculture, le commerce ?
  • Éducation : Comment les écoles s’adaptent malgré l’insécurité ?
  • En santé : Quelles sont les stratégies des hôpitaux et ONGs pour soigner les blessés et les déplacés ?

3. Encourager le débat et l’expression citoyenne

Publier des tribunes, organiser des discussions radiophoniques où la population partage ses attentes et propositions peut aider à contrer le fatalisme ambiant.

4. Former les journalistes à une approche équilibrée

Les rédactions peuvent organiser des formations continues sur le traitement de l’information en situation de crise. Il ne s’agit pas d’occulter la violence, mais de la contextualiser et d’éviter une approche uniquement sensationnaliste.

Les médias ont une immense responsabilité dans la perception de la situation en Ituri. Informer, oui, mais aussi donner des perspectives. L’équilibre entre la couverture des violences et la mise en lumière des dynamiques sociales positives est crucial pour ne pas sombrer dans une information qui, au lieu d’éclairer, ne ferait qu’entretenir le désespoir.

Un journalisme plus diversifié et porteur de solutions pourrait être une clé pour changer la narration sur l’Ituri et insuffler une lueur d’espoir dans un contexte difficile.

Papy kilongo depuis Bunia

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