Ituri : l’intégration des miliciens CODECO dans la RAD, une mesure à double tranchant si les crimes restent impunis (Analyse)
L’annonce récente de l’intégration prochaine d’environ 50 000 combattants du groupe armé CODECO dans la Réserve Armée de la Défense (RAD) suscite de vifs débats en Ituri. Si cette décision semble répondre à une volonté de pacification, elle soulève aussi de profondes inquiétudes sur la justice, la mémoire des victimes et la réconciliation durable.
Un pari sur la paix ?
Dans une province meurtrie depuis plusieurs années par les violences communautaires et les exactions armées, toute initiative visant à faire taire les armes paraît salutaire.
La RAD, mise en œuvre avec l’appui de partenaires nationaux et internationaux, ambitionne de désarmer et réinsérer les ex-combattants dans la vie civile. L’intégration des éléments CODECO est donc perçue par certains comme une étape vers la stabilisation de l’Ituri.
Mais à quel prix ?
Cette mesure est toutefois à double tranchant. Si elle peut contribuer à une accalmie temporaire, elle risque aussi d’être interprétée comme une prime à l’impunité si les crimes commis restent sans suite judiciaire. La paix ne se bâtit pas uniquement sur le silence des armes, mais aussi sur la reconnaissance des souffrances et le respect de la justice.
Pour de nombreuses familles de victimes, cette décision sonne comme une gifle à la mémoire des milliers de morts, des femmes violées et des villages incendiés.
Aucun processus clair de justice transitionnelle ou de réparation ne semble accompagner cette intégration, faisant craindre un effacement pur et simple des responsabilités.
Un précédent dangereux
L’Ituri a déjà connu, par le passé, des intégrations précipitées de miliciens, souvent suivies de reprises d’armes. Sans mécanisme de suivi ni responsabilisation, cette nouvelle intégration risque d’encourager d’autres groupes armés à commettre des atrocités dans l’espoir d’obtenir, eux aussi, une réinsertion ou une amnistie.
Vers quelle justice ?
La paix durable ne peut être construite sur l’oubli.
Les victimes ont besoin de vérité, de justice et de réparation. L’intégration des miliciens de la CODECO dans la RAD ne doit pas être un chèque en blanc : elle doit s’accompagner de conditions strictes, désarmement total, renonciation publique à la violence, participation à des mécanismes de justice et suivi rigoureux des bénéficiaires.
Cette initiative soulève une question fondamentale :
Peut-on construire une paix durable sans justice ?
Si la stabilisation de l’Ituri est urgente, elle ne peut se faire au prix de l’impunité. La population, meurtrie par des années de violences, attend une justice réparatrice et inclusive.
Le succès de cette démarche dépendra de la transparence du processus, de la prise en compte des victimes, et de la volonté réelle des autorités de rompre avec le cycle de la violence.
Rédaction
Share this content:



Laisser un commentaire