×

Ituri – Bahema Banywagi : quand deux frères se disputent le trône coutumier

Le différend qui oppose Freddy Panga Mandro et son frère Yves Kahwa Mandro à la tête de la chefferie de Bahema Banywagi illustre une tension récurrente entre la légitimité coutumière et la légalité administrative dans la gestion des pouvoirs locaux en Ituri.

1. Un conflit de légitimité enraciné dans la tradition

La chefferie de Bahema Banywagi, comme beaucoup d’entités coutumières de la province, repose sur un système héréditaire où le pouvoir se transmet au sein d’une famille régnante.

Or, la réinstallation d’Yves Kahwa Mandro le vendredi 10 octobre 2025, pourtant déjà condamné par la justice selon son frère, vient bousculer ce principe de succession coutumière, provoquant une crise de reconnaissance :

  • D’un côté, Freddy Panga Mandro s’appuie sur la continuité du pouvoir exercé pendant l’intérim et sur la non-notification officielle de sa révocation.
  • De l’autre, Yves Kahwa Mandro bénéficie d’une reconnaissance administrative de l’administrateur du territoire de Djugu, acte qui renforce sa légitimité formelle malgré la controverse judiciaire.

2. Une décision administrative contestée

Le geste de l’administrateur policier du territoire, qui a procédé à la réinstallation d’Yves Kahwa, sous ordre du gouverneur militaire, soulève une question de fond : jusqu’où l’autorité administrative peut-elle intervenir dans les affaires coutumières ?

Cette immixtion apparente met en lumière un déséquilibre entre le pouvoir coutumier et l’État, dans un contexte où les nominations des chefs coutumiers sont souvent politisées ou influencées par des considérations locales.

3. La loi coutumière en appui de la contestation

Freddy Panga Mandro invoque l’article 16 du statut des chefs coutumiers, qui stipule qu’un chef condamné par la justice perd le droit de gérer les affaires coutumières. Si cette affirmation se confirme, la réinstallation d’Yves Kahwa pourrait constituer une violation du cadre légal, voire un précédent dangereux dans la gouvernance coutumière.

Cette référence juridique montre aussi une tendance nouvelle : les chefs coutumiers se servent désormais du droit écrit pour légitimer leur pouvoir traditionnel, créant ainsi un croisement inédit entre coutume et droit moderne.

4. Les risques pour la stabilité locale

Ce conflit fraternel ne se limite pas à une simple querelle de succession. Dans une région comme l’Ituri, marquée par des tensions intercommunautaires, une rivalité coutumière peut dégénérer en crise locale.

C’est pourquoi l’appel de Freddy Panga Mandro au calme et à la patience mérite d’être souligné. En demandant à la justice de trancher, il cherche à déplacer le débat du terrain coutumier vers le terrain institutionnel, évitant ainsi un affrontement direct entre partisans.

5. En toile de fond : un enjeu de gouvernance locale

Derrière ce conflit se cache une réalité plus large : la fragilité du cadre juridique des chefferies en RDC, souvent instrumentalisé par des acteurs politiques ou économiques.

Le cas de Bahema Banywagi met en lumière le besoin urgent d’une clarification du statut des chefs coutumiers et d’un mécanisme transparent de résolution des litiges, afin d’éviter que la coutume ne devienne un champ de rivalités personnelles.

Le conflit des pouvoirs coutumiers à Bahema Banywagi n’est pas un simple désaccord familial. Il reflète un choc entre la tradition, la loi et l’administration, dans un contexte où la stabilité locale dépend souvent de l’équilibre entre ces trois forces.

La balle est désormais dans le camp de la justice, seule capable de rendre une décision qui rétablira la légitimité et la paix au sein de cette chefferie stratégique du territoire de Djugu.

Rédaction

Share this content:

Laisser un commentaire